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08/05/2019

Hommage à Marceline Loridan Ivens-Discours de Marie-Louise Gourdon du 8 mai 2019

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes souriantes, personnes debout et plein air À Mouans-Sartoux, chaque 8 mai depuis 7 ans, nous rendons hommage aux femmes qui ont joué un rôle déterminant dans la guerre, qui ont défendu les valeurs humanistes et celles de la démocratie, qui ont été Résistantes, qui ont survécu aux camps de concentration.

Avec le conseiller départemental jeune du collège de la Chênaie, Yanis, et mon suppléant Jean-Claude Girone, nous avons déposé un bouquet sur cette stèle en honneur aux femmes.
Le rôle des femmes dans les guerres, particulièrement la 2e guerre mondiale a été tardivement connu et reconnu.
Résistantes, elles ont été agents de liaison, secrétaires, messagères, médecins, infirmières, aviatrices ...
Après Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle Antonioz, aujourd’hui entrées au Panthéon, suivies par Simone Veil, après Charlotte Delbo et Lise London, dont je vous ai raconté la vie, aujourd’hui je vous parlerai de Marceline Loridan Ivens.

Ces femmes extraordinaires , ayant survécu au pire des camps de concentration, ont passé le reste de leur vie à combattre les idéologies haineuses, toutes les formes de racisme, en écrivant des livres, des films, en allant vers les jeunes pour raconter pour faire prendre conscience des horreurs commises pendant cette guerre.

Marceline Loridan-Ivens, née Rozenberg, est issue d'une famille juive polonaise installée en France en 1919.
Le 29 février 1944, elle est arrêtée avec son père par la Gestapo et déportée à Auschwitz-Birkenau. Son père, comme 45 autres personnes de sa famille, ne rentrera pas des camps.

Marceline a connu Simone Veil , en déportation, au camp d’Auschwitz-Birkenau - elles s’appelèrent elles-mêmes les filles de Birkenau”.
Elles resteront amies toute leur vie, des vies diamétralement opposées  

   Les deux jeunes filles, 15 ans et 16 ans, ont quitté Drancy et la France le 13 avril 1944, embarquées dans le même convoi, mais c’est seulement au petit matin qu’elles s’aperçoivent pour la première fois, à l’étape du tatouage à l’arrivée au camp d’Auschwitz.
Premier geste sidérant que ce marquage d’un numéro flanqué d’un triangle, demi-étoile de David utilisée pour distinguer les Juifs d’entre les déportés.
Elles viennent d’échapper une première fois à la mort, mais elles ne le savent pas encore : dans ces premiers instants de stupeur, débarquant au beau milieu de la nuit après des heures entassés à une centaine par wagon dans ce convoi 71, des voix glissaient aux nouveaux arrivants : “Dis que tu as 18 ans” ; “Donne ton enfant à un vieillard” ; “Dis que tu voyages seule”...              


 

Seul.es les plus valides et les majeurs rejoindront le camp d’Auschwitz à pied, ce sont elles et eux qui construiront les routes vers les crématoriums, puis qui creuseront les fosses où l’on entassera les cadavres devenus trop nombreux pour les crématoriums.
Les autres, les enfants, les vieillards, les invalides, seront amenés immédiatement au crématorium par camion où ils seront éliminés.

Aucun enfant n’en réchappera mais Marceline oui. Elle a menti, elle a caché ses 15 ans.
Avec Simone Veil , elles passeront plus d’une année dans ce terrible camp de Birkenau, dans le même baraquement, sur la même couche sordide, mais seulement un hiver.
Beaucoup plus tard, Simone Veil, qui avait attrapé le typhus, tout comme sa sœur et sa mère qui en mourra à quelques jours de la libération des camps, estimera qu’il aurait été impossible de résister à plus d’un hiver.
Transférée à Bergen-Belsen, Marceline Loridan-Ivens, transite une dernière fois par Theresienstadt le 10 mai 1945, dans un train fantôme, acheminé par des nazis qui sauteront du train en marche, au fur et à mesure que l’Armée rouge avançait .

La jeune femme qui vient d’avoir 16 ans mettra des semaines à regagner la France

Elle met du temps à retrouver sa mère, et comprend que son père, à qui elle consacrera bien plus tard un livre n’en reviendra pas.
Les deux jeunes femmes, Marceline et Simone, disent la même impossibilité de raconter à leur retour : “Nous n’avons pas parlé parce qu’on n’a pas voulu nous écouter” .
Il faudra des années pour que les oreilles de leurs compatriotes soient disposées à entendre leurs récits effroyables.

Si elle en avait eu les moyens, Marceline ne serait pas retournée en France, dans ce pays aux valeurs duquel ses parents avaient cru, où ils avaient espéré trouver refuge et où la police les avait arrêtés, elle et son père, et envoyés vers la mort.

C'est à Saint-Germain des Prés qu'elle s'évade et grandit dans « ce monde de la pensée, de la modernité et de la poésie ». Elle loge à l'hôtel La Louisiane, où séjournent des jazzmans noirs américains ; elle va danser au Tabou, fréquente la cinémathèque française , était obsédée par l'idée de faire du cinéma, tape des manuscrits pour Roland Barthes.

Une de ses connaissances, Edgar Morin, l'entraîne dans l'aventure du film qu'il prépare avec Jean Rouch : Chronique d'un été (1961) - une « expérience de cinéma vérité », selon ses auteurs. C'est par ce film qu'elle entre dans le monde du cinéma, de la modernité et de la poésie ».

Elle a réalisé ou co-réalisé des films, écrit de nombreux livres pour raconter ce à quoi elle avait survécu.
L’horreur des camps, l’horreur de l’idéologie nazie, l’anti sémitisme et la haine absolue, mais aussi la capacité humaine à survivre au pire.
Très engagée, elle n’a jamais cessé de dénoncer l’injustice et la violence, comme en 2015, où elle disait, quelques jours après les tueries de Charlie Hebdo, Montrouge et de la porte de Vincennes : « J'ai perdu toutes illusions sur ce monde où l'obscurantisme gagne et l'antisémitisme renaît ».

Cependant, sa bonne humeur, sa gouaille, éclataient sur les plateaux de TV, sur les ondes, et jusqu’au dernier moment elle a voulu vivre pleinement et joyeusement, jusqu’au 25 septembre 2018. Elle avait 90 ans.
Elle a voulu vivre sa vie comme quelqu’un qui n’a rien à perdre.

Gardons en mémoire le courage de ces hommes et de ces femmes qui ont survécu aux camps, qui ont résisté au nazisme.
C’est grâce à eux que nous vivons en paix en Europe, cette Europe dont ils ont permis la construction.
Cette Europe, qui même très imparfaite, préserve la paix.
Nous voyons progresser des populismes partout, ressurgir des groupes nazis, se redévelopper l’anti-sémitisme et toutes les autres formes de racismes,
Soyons raisonnables.
Préservons la paix, dont nous avons su profiter, pour les générations à venir.
Soyons dignes de ces personnes extraordinaires qui nous ont précédé.es.

Sources : divers entretiens presse et livres de ‘Marceline Loridan Ivens

 
 

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