18/05/2018
Compte Administratif au Conseil Départemental 18 mai 2018
Monsieur le Président, mes chères et chers collègues,
L'examen d'un compte administratif c'est un peu l'œil dans le rétro, c'est l'analyse d'un budget réalisé, la comparaison avec un budget prévisionnel, les plus et les moins qui traduisent une politique, des choix, des décisions.
Nous abordons cet exercice avec un regard vigilant sur la question des solidarités qui est notre compétence première.
Avec un regard aiguisé sur la gestion des finances et sur l'évolution du budget,
Avec lucidité car nous sommes conscients des contraintes de plus en plus dures imposées par l'État, Il devient compliqué de boucler des budgets dans toutes les collectivités.
Baisse des dotations de l'État, augmentation des prélèvements de solidarité, oui.
Mais dans notre département, c'est aussi l'augmentation substantielle des ressources de la fiscalité indirecte : Les droits de mutation prélevés sur les ventes immobilières ont ainsi progressé de presque 65 M€ entre 2016 et 2017 pour atteindre 415,7 M€.
Ils représentent plus de 33 % des recettes de fonctionnement de notre collectivité. Pour la première fois depuis 10 ans, ils ont été supérieurs aux prévisions de début d’année.
La reprise, au moins immobilière, est bien là et vous pensez qu’elle va durer puisque vous avez prévu pour 2018, un montant de recettes de DMTO encore plus vertigineux de 467 M€.
Malgré le bémol du reversement de 22.6 M€ à l’État, le montant est colossal et en même temps extrêmement périlleux.
Nous l’avons déjà vécu en 2007 : effondrement des ventes immobilières et du coup effondrement du budget. Mais pour l'heure, c'est la reprise. Il faut en profiter pour aider nos concitoyens !
Voilà tout le paradoxe de notre Département. Très riche et très pauvre. Le grand écart !
La lecture du très intéressant et très sombre rapport qui pose les bases du pacte territorial pour l'insertion nous apprend ;
que le taux de pauvreté dans notre département est supérieur à la moyenne nationale, avec 15,8%,
que l'intensité de pauvreté y est très supérieure au niveau national : 22,8% contre 21%.
que cette pauvreté monétaire est renforcée par la cherté du logement : Les Alpes-Maritimes est le département de France où les ménages consacrent la plus grande proportion de leurs revenus à se loger, même avant Paris, avec des loyers les plus élevés de France et avec 17,3% logements sur-occupés !
Ce constat préoccupant est renforcé par un taux de chômage élevé qui est de 10,3% contre 9,4% au niveau national. Il reste ainsi plus élevé que la moyenne des départements français.
Plus inquiétant encore, le chômage de longue durée poursuit une augmentation rapide, de plus de 9,1% en un an. Cette dégradation de l'emploi a pour conséquence une augmentation de la précarité dans le département.
150 000 personnes vivent dans un foyer à bas revenus. Soit 15% de notre population !
Les catégories les plus concernées sont les familles monoparentales, et particulièrement les femmes.
La conséquence en est que la population éligible aux aides sociales est de plus en plus importante. Elle a augmenté de 34,7% en 7 ans après la crise de 2008, passant de 7,2% à 9,7% de la population !
C'est près de 10% de la population qui perçoit une aide de solidarité : l'ACS (Aide Complémentaire Santé), ou la CMU, ou l'ASS, allocation de solidarité spécifique, ou Le RSA.
Soit, près d'un habitant sur 10 !
Et malgré cela, vous vous réjouissez que le nombre de bénéficiaires du RSA baisse de manière importante depuis 2 ans !
24 132 foyers bénéficiaires contre 30 000 il y a deux ans !
S'il est vrai qu'une politique d'insertion de qualité s'est mise en place de façon efficace,
J'affirme que c'est surtout une politique de suspensions des allocations qui a été mise en œuvre et qui explique cette baisse spectaculaire du nombre de bénéficiaires !
Une politique qui aboutit à la radiation de 10% de fraudeurs, ce qui est légitime, mais surtout à des suspensions qui sont faites sur des motifs administratifs de non production de documents en temps voulu ou de non présentation à un rendez-vous. Et pourtant, ces personnes ont besoin de cette aide pour survivre !
5070 suspensions en 2017 ! 13% de plus qu'en 2016.
Mettre les gens dans la rue, cela représente un coût social bien plus important que le versement du RSA.
Je rappelle que le montant moyen du RSA et de 565€ !
Rappelons-nous que le concept de revenu universel, qui n'est peut-être pas encore mûr pour être accueilli par notre société avait suscité un débat de fond qui reviendra sans doute sur le tapis.
La ligne budgétaire des allocations de RSA, qui avait déjà diminué de 2 M€ en 2016, a encore baissé de 2 M en en 2017.
Comment peut-on faire des économies sur les plus pauvres alors que le département perçoit plus de 417 M€ de droits de mutations ?
Après avoir parlé de nos concitoyens, parlons de l’évolution des compétences de notre département
Elle a des répercussions bien sensibles sur son budget.
insi, suite à la création en 2012 de la métropole niçoise, des transfAerts de compétence ont eu lieu du département vers la métropole, notamment les routes, et certaines parties de la compétence sociale comme la prévention spécialisée et Le FSL, Le FDAJ. (Fonds d'Intervention pour la Jeunesse)
Depuis un an, d'autres compétences départementales importantes ont été transférées à la région :
les transports en commun routiers, les transports scolaires hors handicapés, les déchets, l'économie et les ports aux communes.
Certaines lignes budgétaires sont de ce fait réduites ou disparaissent par ces transferts.
Ce que nous vous demandons, monsieur Le Président, comme je l'ai demandé hier au Président de la commission des finances, c'est un bilan en investissement et en fonctionnement de tous ces transferts depuis 2012.
Maintenant, venons-en à la situation financière.
Sur la période de 10 ans 2007-2017 les courbes d’évolution des dépenses de fonctionnement et d’investissement du département sont très marquées :
Malgré la forte maîtrise des dépenses dans nos compétences, on assiste à une augmentation des dépenses de fonctionnement liées notamment
- au remboursement des intérêts de la dette : 28.7 M€ en 2017,
- au versement de la dotation à la Métropole : 63.3 M€
- et aux fonds de péréquation : 64.7 M€
La volonté budgétaire de ces dernières années peine à redresser le fort endettement de notre collectivité qui a débuté en 2003.
L’affichage de plus d’1 milliard d’euros d’encours de dette a été évité en 2012 par la création de la Métropole et le transfert de 171 M€ d’encours de dette.
Mais cette lourde décision politique n’est pas sans répercussion sur le budget du département et ses dépenses de fonctionnement.
Depuis plusieurs années, vos efforts, et quelques rentrées exceptionnelles comme les 88 M€ des parts de l'aéroport, et les DMTO en forte croissance, ont fait descendre cette dette en dessous du milliard, aujourd’hui 812 M€. Cet endettement encore très important bloque les investissements.
Les dépenses de fonctionnement qui représentaient 68 % du budget total en 2007, en représentent 83 % au CA 2017
Les dépenses d’investissement affichent une évolution inverse, 32 % du Budget total y était encore consacré en 2007. En 2017, elles représentent 17 % du budget.
Je ne vais pas m'étendre sur les autres missions. Elles sont exercées avec rigueur et sérieux : l'éducation, la culture, le sport, l'aide aux communes, l'entretien et la création d'infrastructures routières en fonction de nos moyens d'aujourd'hui. Nous y souscrivons et nous y participons avec une attitude constructive et positive.
Pour conclure,
J'ai voulu attirer votre attention sur la situation inquiétante de nombre de nos concitoyens qui vivent dans une précarité grandissante.
J'essaie de vous dire depuis plusieurs années que le budget des solidarités doit être à la hauteur des enjeux, alors que d'une année sur l'autre il n'a pas bougé d'un iota !
Je vous le rappelle : 15% de nos concitoyens vivent dans un foyer précaire ! Cela ne prépare pas l’avenir.
Et nous n'avons pas parlé de l'augmentation spectaculaire du nombre de personnes âgées, des difficultés de la vieillesse, de la nécessité d'un hébergement en maison de retraite digne, ou du maintien à domicile, qui deviendront aussi dès demain une urgence sociale à laquelle nous devons nous préparer.
Les solidarités, la solidarité, c'est notre compétence principale, prioritaire, première.
Elle concerne encore l'ensemble du territoire des Alpes-Maritimes.
Les autres compétences sont ou seront peu à peu grignotées par les autres niveaux de collectivités.
S'il n'en reste qu'une, ce sera celle-là !
Alors, avec nos richesses fiscales, nous pensons que nous pouvons faire plus pour les plus défavorisés.
Ce n’est pas votre choix. Nous ne voterons pas ce Compte Administratif.
Marie-Louise Gourdon
Présidente du Groupe Socialiste et Ecologiste
15:43 Publié dans Affaires Sociales, Budget, finances, Economie, tourisme,emploi, SESSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vote, contre, interv gourdon, compte, administratif | Facebook | |
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